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Quand le soignant devient patient : réflexions sur la vie, la vulnérabilité et le vieillissement




Le 30 mars dernier, mon corps m’a soufflé ce que je n’étais plus capable d’entendre : stop.

Pas un "ralentis", pas un "prends quelques jours", non. Un arrêt brutal, net. Hospitalisation, chirurgie. Repos forcé. Retour à moi-même.


Et depuis… silence.

Pas par manque d’idées. Pas par désintérêt.

Mais parce que parfois, la réalité nous rappelle à l’essentiel. Et quand le soignant devient patient, c’est tout un monde intérieur qui se réorganise.



Soigner sans se soigner : l'écueil, l’oubli ordinaire de celles et ceux qui prennent soin

Nous sommes nombreux, dans les métiers du soin, à vivre cette contradiction : prendre soin de l’autre en s’oubliant soi-même.


L’engagement, le sens, la responsabilité… tout cela peut nous rendre sourds à nos propres besoins. On puise et s’épuise sans bruit, à force de faire passer l’autre en premier. Jusqu’à ce que le corps – ce précieux baromètre – nous impose un tête-à-tête sans appel.

Dans cette pause imposée, j’ai beaucoup réfléchi à ce que cela signifie vraiment, "prendre soin".

Et si cela commençait par là ? Par nous. Par cette bienveillance que l’on prodigue sans compter, mais qu’on s’autorise si rarement.



Vieillir n’est pas une punition. C’est un privilège.

Nous vivons dans une société qui redoute le vieillissement.

Qui l’associe à la perte, à l’inutilité, au déclin.

Mais si nous regardions autrement ? Et si vieillir était une chance ?

Une chance que tous n’auront pas. Une forme de continuité, malgré les pertes, malgré les douleurs, malgré les adaptations qu’elle exige.


Accompagner la vieillesse, ce n’est pas lutter contre la fin.

C’est honorer la vie, jusqu’au bout.

C’est rendre supportable ce qui ne l’est pas. Offrir du confort, du lien, de la dignité là où trop souvent il n’y a plus que solitude ou dépendance – non seulement dans nos représentations, mais aussi, tristement, dans les faits.


Nous, soignants, auxiliaires de vie, aidants, ne réparons pas l’irréversible.Mais nous pouvons adoucir l’inévitable.



Et si la vulnérabilité n’était pas une faiblesse, mais une puissance cachée ?

Il y a en chacun de nous une pulsion de vie plus forte qu’on ne l’imagine.

Je l’ai senti dans mon propre corps, abîmé mais debout.

Je l’ai vu dans le regard de patients dont la mobilité s’effondrait, mais pas l’élan.La dépendance fait peur.

Mais elle n’est pas incompatible avec la dignité, ni avec la joie.


Avec un accompagnement adapté, humain, respectueux, on peut continuer à vivre pleinement. Différemment, oui. Mais profondément.


Et c’est précisément là que le débat public semble perdre l’équilibre.

Il est profondément inquiétant que le manque d’accès aux soins palliatifs, à la prise en charge de la douleur, et à l’accompagnement digne en fin de vie pousse aujourd’hui à faire de l’aide à mourir une priorité politique…

Alors même qu’il faut plus d’un an pour obtenir un rendez-vous en centre antidouleur, alors que tant de structures sont à bout de souffle.


Ce n’est pas la mort qu’il faut précipiter.C’est la vie qu’il faut soutenir, jusqu’au bout, avec les moyens humains, matériels, médicaux que chacun mérite.

La légalisation de l’euthanasie ne doit pas être un palliatif à l’abandon des soignants ni à la défaillance du système.



Repenser le vieillissement : un enjeu collectif, une urgence humaine

Cet article est une lettre ouverte.

À vous, soignants, qui courez sans pause.

À vous, jeunes et moins jeunes, qui ne vous projetez pas dans la vieillesse parce qu’elle vous effraie.

À nous tous, qui aurons un jour besoin d’un autre pour continuer à vivre.


Il est temps de changer notre regard.

Vieillir, c’est vivre. Encore. Autrement.

Et c’est une mission magnifique que de rendre ce chemin plus doux, plus digne, plus humain.


« Ce que je vis aujourd’hui me rappelle pourquoi j’ai choisi finalement de poursuivre sur le terrain, afin d'accompagner concrètement les patients vieillissants, dans le chemin vers la dépendance, la maladie, leurs pertes, leur finitude, et en parallèle, de former celles et ceux qui, demain, rendront le monde plus habitable pour nos aînés. Car l’un ne va pas sans l’autre : transmettre, c’est prolonger le soin. »Parce qu’il ne s’agit pas juste de soigner des corps. Il s’agit d’accompagner des êtres.

Et ça, c’est une responsabilité qui mérite tout notre respect… et un peu plus de soin envers nous-mêmes.


Elisabeth

 
 
 

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