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Ce que les rides ne disent pas, mais que les yeux racontent

📌 Par Monique, 86 ans, dépendante mais encore bien éveillée





Il y a des jours où je me regarde dans le miroir, et je vois une carte routière.

Pas de celles qu’on replie bien à plat. Non, plutôt une de celles que l'on froissait, trimballait jadis, avant que les GPS n'existent.

Mes rides racontent des kilomètres. Des montagnes gravies et des descentes en chute libre. Des coups de soleil, des coups de froid, des coups tout court.


Mais ce qui m’étonne toujours, c’est que personne ne les regarde vraiment.

Que voyez-vous jeunes gens?

Peut-être mes cheveux blancs, mes mains tordues, ma canne…Mais mes yeux? Qui les regarde encore?

Qui se demande ce qu’ils ont vu, ce qu’ils cachent, ce qu’ils se retiennent de dire?


L’autre jour, une jeune auxiliaire de vie — charmante au demeurant, mais pressée comme un steak minute — m’a demandée si j’avais bien dormi. Par automatisme certainemement, sans entendre la réponse probablement.

J’ai dit "oui", comme d’habitude.

Elle n’a pas vu que mes yeux étaient gonflés d’avoir pleuré toute la nuit. Pas de tristesse particulière. Juste… un trop-plein de solitude. Un trop-plein de tout.

Mais ça, mes rides ne le racontent pas.

Elles donnent juste l’illusion qu’on s’habitue à tout.

Qu’on est sage, patiente, "philosophe".


Je ne veux pas qu’on me parle comme à une enfant.

Je ne veux pas non plus qu’on m’admire comme une statue ancienne.

Je veux qu’on me voie, tout simplement.

Je veux qu’on comprenne que les vieux, ce ne sont pas que des corps qui déclinent.

Ce sont des esprits qui cogitent, des âmes qui frémissent, des mémoires pleines de guerres, d’amours ratés, de blagues potaches et de silences pesants.

Un regard, un geste, un mot. Cette présence et considération, qui me donnerait encore le sentiment d'être vivante et bien plus qu'un corps à laver, à nourrir, à installer, à changer.

Un Être humain.


Alors s’il vous plaît, la prochaine fois que vous me regardez, regardez-moi dans les yeux.

Pas pour deviner mon âge, mais pour entendre ce que je ne dis plus.


Et si vous êtes soignant, soignante, accompagnant ou accompagnante, sachez que vous ne changez pas juste des protections.

Vous touchez une histoire.

La mienne. Et peut-être un jour, la vôtre.


Avec mes salutations ridées mais lucides,


Monique


 
 
 

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